Le Défenseur par JEROME BIXBY
Ils recherchaient le Défenseur infernal qui avait jadis protégé la planète Mars, et qui pouvait maintenant causer leur destruction.
Phobos se levait.
Les deux hommes se tenaient sur le seuil du temple martien. Leurs visages étaient soucieux.
— « Allons nous-en ! » dit Pym. Sa voix semblait lointaine dans l'air froid et raréfié du désert rouge. « Tout de suite. Au diable le surplus de camelote à emporter ! »
— « Encore un chargement, » répondit Adams. Son visage rond était nerveux, mais résolu. Il rentra dans le temple par la haute et sombre porte en triangle. Pym soupira et le suivit. Ils allumèrent leurs lampes de poche, éclairant les murs de pierre nus qui les entouraient. Les échos de leurs pas résonnaient sans fin dans l'enceinte presque circulaire.
— « Si j'étais sûr du fait, » reprit Adams, « je me sauverais. Je te battrais sans doute à la course pour regagner le vaisseau. Seulement… je ne suis pas sûr…»
Pym projeta sa lumière vers le haut – l'immobilisant sur un pictographe. Il la déplaça ensuite vers le suivant, puis vers celui d'après…
Une série d'immenses pictographes, dix-sept en tout, ornaient entièrement les murs intérieurs du temple, à environ deux mètres cinquante du sol. Ils étaient profondément gravés dans le grès couleur de rouille. Ils étaient laids.
Pym frissonna.
— « Je ne suis pas un expert, » dit-il, « pourtant, même moi j'ai compris leur message. »
— « Ils semblent certainement représentatifs, » reconnut Adams. « Néanmoins ils peuvent n'être que symboliques. Cette chose – le Défenseur – n'est peut-être qu'un dieu, un esprit tutélaire, une entité fabuleuse…»
— « C'est une machine, voyons, » affirma Pym d'un ton assuré. « Regarde-la, pour l'amour du ciel ! Pourquoi nier l'évidence ?…»
Les faisceaux de leurs lampes convergèrent sur le pictographe situé à un angle de soixante degrés depuis la porte – celui qui donnait l'image la plus détaillée de la chose qu'ils avaient baptisée, l'esprit troublé, le « Défenseur ».
— « Apparemment un dodécaèdre, » acquiesça Adams. « Gigantesque – si ce sont là réellement des vaisseaux cosmiques qu'il est en train de démolir…»
— « Ses yeux sont des hublots qui entourent la tête, » fit Pym d'une voix âpre, « et par ces oculaires jaillissent des rayons ! Et là…» (le cône lumineux de sa lampe s'abaissa un peu) « ces êtres Minuscules que répand le vaisseau fracassé… ne te donnent-ils pas une idée de la taille du Défenseur ? »
— « Comment l'évaluer, » répondit Adams, « alors qu'il n'existe aucun autre rapport de proportions dans ce contexte ? Les Martiens n'avaient peut-être pas plus de deux centimètres de haut. »
Pym éclaira l'embrasure de la porte, qui mesurait près de trois mètres. Le reflet de sa lampe permettait de lire sur son visage une expression qui signifiait : Mon œil !
— « Admettons, » railla Adams, « mais il n'y a pas encore de limite légale à la taille des dieux. »
— « C'est trop sophistiqué pour cela ! » déclara Pym, puis, ironisant à son tour : « Tout à fait l'image primitive d'un dieu… avec des oculaires et des rayons de la mort en éventail, d'une symétrie mathématique ! »
— « J'admets que cela pourrait être une machine, fit Adams. « Je refuse simplement de conclure avec certitude que c'en est une. Ou que cela en fut une. » Il se détourna et se mit à ramasser des fragments d'urnes et de plaques en pierre, ainsi que d'autres objets d'art dans la poussière épaisse qui recouvrait le sol. Il les enfouit dans le sac fixé grand ouvert à sa ceinture. Le rayon de sa lampe furetait ici et là. « D'accord, » dit-il, en désignant un fragment de poterie. « Ils étaient plus grands. »
— « Et lui, comment est-il… ou comment était-il ? » fit Pym rêveusement. « Que se passerait-il s'il se trouvait encore dans les parages ? »
— « Alors, si nous avons trouvé le sens exact des pictographes, » répondit Adams, « nous avons parfaitement raison d'être si inquiets. » Il franchit le seuil d'une porte intérieure. Sa lumière vacilla sur les murs d'une salle plus éloignée.
— « Le Défenseur, » fit Pym, en levant les yeux sur le pictographe situé à soixante degrés et représentant la chose à faces multiples. « Une machine. Un robot… à l'armement infernal. Bâti pour repérer et détruire toutes les formes de vie extra-martiennes. » Il déplaça son rayon lumineux vers un autre pictographe, sur lequel le Défenseur était apparemment en train de faire flamber une foule de minuscules personnages en débandade sur un champ de bataille désertique. « J'ai imaginé une théorie pour expliquer cela, Adams. »
— « C'est ton jour de théories, » fit Adams en riant.
— « Des ondes cérébrales, » exposa Pym. « Une partie de l'appareil sensoriel du Défenseur pourrait être accordée sur l'alpha kappa du cerveau martien, avec une génératrice de signalisation dans ses circuits détecteurs, qui produit constamment la clé-type avec laquelle doivent s'harmoniser les perceptions reçues de l'extérieur. Si une perception enregistrée est discordante une computation binaire la remplace, dont la réponse est non…»
Adams surgit devant la porte.
— « Fameux ! Et c'est alors que le Défenseur traque le cerveau étranger et le soumet au feu de l'enfer ! »
Il ramassa un morceau de poterie, le fourra dans son sac et passa dans une autre salle.
— « Un conflit interplanétaire, » poursuivit Pym de sa voix rêveuse, en éclairant un autre pictographe. « À une époque où Mars était à l'apogée de sa civilisation. Ils avaient oublié la guerre. Soudain, sans avertir, les Envahisseurs débarquent. La moitié de la population de Mars est décimée dès la première attaque. » Il s'interrompit, pensif, ajouta : « Il se peut que les Envahisseurs soient venus de la Planète X… celle qui se désintégra pour former la Ceinture d'Astéroïdes. S'ils savaient ce qui devait arriver ils ont dû chercher désespérément un espace vital…»
Les éclats de rire tonitruants d'Adams résonnèrent entre les murs rapprochés et sombres.
— « Formidable ! Quel talent pour la fiction ! »
— « Toi, » déclara Pym avec froideur, « tu n'es qu'un anthropologiste dénué d'imagination et maudit du ciel. Rappelle-toi le pictographe n° 2. L'Escadre des Envahisseurs est représentée comme venant de la plus proche planète extérieure…»
— « Jupiter, » annonça la voix d’Adams. « Sinon la chose est censée représenter un essaim de bestioles s'abattant comme des sauterelles, en provenance du Soleil, ainsi que le veut la superstition, pour ruiner les récoltes. Ou bien cela voudrait dire… Dieu sait quoi ! » Il sortit de l'autre salle et déposa son sac archi-plein sur le sol. Il en accrocha un autre à sa ceinture. « Tu es un fichu cossard. Donne-moi un coup de main. Cesse de prendre mes premières assertions pour parole d'Évangile. Tu voudrais que j'interprète la mentalité martienne en six heures de temps ? Eh bien, soit…» (il s'interrompit, recherchant d'autres antiquailles) « je veux bien admettre que cela semble une escadre venue de la plus proche planète extérieure. Es-tu satisfait ? »
Il s'éloigna.
— « Seigneur, que ne donnerais-je pour savoir ! » La lumière de Pym se déplaça lentement parmi la série des géantes scènes gravées : « Quelques savants se sont échappés, n'est-ce pas ? Ils ont formé le noyau défensif de Mars. Tandis que les Envahisseurs mettaient leur planète au pillage, les savants travaillaient. Ils lâchèrent la chose… et elle…» (il déglutit, en parcourant des yeux les pictographes 9 à 12) « elle détruisit les Envahisseurs. Entièrement. Elle attrapa tous ceux qui avaient colonisé la surface. Elle attrapa les vaisseaux de surveillance, qui se trouvaient sur orbite. Elle attrapa tout appareil indemne qui essayait de s'échapper. Tout cela en une seule journée. »
— « Ou bien en un an ou en un millier d'années, » fit Adams, dont la voix se répercutait depuis un corridor où il rôdaillait. « Ou bien ça n'est jamais arrivé. » Son ton était goguenard. « Peut-être que les pictographes décrivent le sort qui fut réservé aux pouilleuses créatures venues menacer les récoltes. Alors de grosses bêtes rondes se sont pointées, qui ont dévoré les petites et ont gagné la partie ! »
— « Une seule grosse bête à face ronde, » répondit Pym. « Rien qu'une, qui projetait des rayons de tous côtés. »
Les pas d'Adams s'étaient assourdis. Il ne pouvait entendre.
Pym frissonna dans l'air glacé du temple. Il regarda par la porte. Les sombres dunes ondulantes de Syrtis Major semblaient inondées d'une flamme figée ; des couches unies de glace, minces comme du papier, formaient d'étincelantes découpures le long de chaque coulée de sable moiré plongeant dans l'ombre.
Dans le lointain le Mars I avait l'air d'un jouet, d'un trophée d'argent, dont le hublot à l'avant semblait un œil de cyclope fixé sur l'horizon aux froides étoilés.
Pym se demanda ce qu'il ferait si un robot géant surgissait tout à coup, dressant à l'horizon sa masse énorme, bourdonnante et cliquetante, avec un millier d'oculaires chercheurs et un millier de rayons mortels prêts à le foudroyer si le « cerveau » de la chose lui ordonnait : Tue…
Pym détourna les yeux de la porte du temple – pour éluder les conjectures macabres.
— « Trop tard, » déclara-t-il aux pictographes. « Le Défenseur a sauvé Mars trop tard. Quatre-vingt-dix pour cent d'entre vous ont péri. Vos survivants sont retournés à l'état sauvage – tribus nomades regardant d'un air hébété les décombres de vos cités. Les savants moururent et la science avec eux. Les siècles passèrent et rien ne subsista de la grandeur de Mars. » Il fit glisser sa lumière sur les deux derniers pictographes : « Rien – excepté le Défenseur. Vous vous en souveniez très bien. C'était votre sauveur légendaire. Vous l'avez déifié. Vous lui avez élevé ce temple et probablement bien d'autres sanctuaires. Il était votre dieu – mais vos légendes l'ont évoqué sous la forme d'une machine. »
— « Bravo ! » fit Adams, dans le dos de Pym, et il applaudit de ses mains gantées. « Sapristi ! Tu as presque failli me convaincre ! Heureusement qu'il existe d'autres théories. » Il fourra les attaches des deux sacs bien bourrés dans les mains de Pym. « Eh bien, soit. Il paraît que nous courons un grand danger. Je fais la course avec toi jusqu'au vaisseau ! »
— « Tu es drôle, » grommela Pym. « Très drôle. » Il chargea les sacs sur son dos. « Reste-t-il quelque chose que nous n'ayons pas photographié ? »
— « Désires-tu attendre dans les parages l'arrivée du Défenseur sur le sentier de la guerre ? » s'enquit Adams avec une inquiétude narquoise.
Pym lui lança une appellation injurieuse et gagna la sortie.
Adams le suivit, non sans avoir promené une dernière fois le rayon de sa lampe sur les pictographes. Il n'avait pas le sourire.
Ils escaladèrent péniblement les dunes abruptes, au clair de lune, en se dirigeant vers le Mars I qui se dressait au loin comme un cigare d'argent, entre eux et l'horizon.
— « Il pourrait rôder encore quelque part dans le désert, » déclara Pym.
Les deux hommes se trouvaient au bord d'une déclivité profonde, une de celles qui portaient les traces obliques de leurs précédentes allées et venues. Adams descendit le premier et le bruit sec de la mince glace craquelée rendit sa réponse inintelligible. Pym le suivit, étendant les bras en balancier, tel un skieur, creusant ses pas avec le côté des pieds. Ils descendirent comme des crabes, puis longèrent une surface plane de sable fin et croustillant.
— « Qu'est-ce que tu dis ? » s'écria Pym.
Adams secoua la tête. Il disparut dans un lac d'ombre couleur d'encre, au pied de la dune. Un moment plus tard, il réapparut, noir sur la remontée d'argent de la dune suivante. Il attendit Pym.
À une courte distance derrière eux le temple bosselait le sable comme un gigantesque crâne pointu – sombre, silencieux, contre le ciel strié de rouge et de noir. Sa façade était gravée d'ornements sinueux et tordus, suivant une géométrie insolite.
Pym plongea dans l'ombre. La pente commença à s'élever imperceptiblement sous ses pieds. Il bondit, avança par saccades, s'arrêta pile auprès d'Adams.
— « Qu'as-tu dit ? » redemanda-t-il.
— « Tu m'as donné la chair de poule, » ricana Adams.
Pym regarda de près l'homme au visage rond. « Parbleu, on le dirait ! » fit-il. « Cesse donc de sourire et de me mettre en boîte ! »
Adams donna un coup de pied dans une motte de sable glaiseux, la regarda rebondir et basculer dans l'ombre entre les dunes.
— « Tout ce que tu m'as raconté, » fit-il, « colle avec mon interprétation la plus valable des pictographes. Je l'admets bien à contrecœur. Partons ! »
— « Il est peut-être encore en vie, » déclara Pym.
— « Une machine ne vit pas, » répondit Adams. « Elle ne meurt pas. La machine en question a pu exister. Il se peut qu'elle soit en train de rouiller dans le sable – ou bien qu'elle nous prenne en ce moment pour cible. Il se peut également que nous soyons cinglés. Partons. »
Ils grimpèrent laborieusement, faisant crisser le sable glacé.
Derrière eux il y avait le temple.
Au-dessus d'eux il y avait Phobos. Pym l'examina, les yeux à demi ouverts. Quelques menus cratères étaient visibles sur ses confins crépusculaires. Un faible reflet couleur de rouille fondait visiblement tandis que la trajectoire de la petite lune progressait vers la nuit. Bientôt l'autre lune de Mars, Déimos, allait jaillir au-dessus de l'horizon pour gagner de vitesse les autres étoiles dans la maîtrise du ciel nocturne.
Les deux hommes s'avancèrent vers leur vaisseau, sous les rayons argentés de Phobos, dont le nom signifiait Peur.
Ils atteignirent le sommet d'une grande montée. Devant eux s'étendait un vaste espace uni de sable. On apercevait, s'étirant dans la nuit, les traces profondes laissées par les grandes roues du Mars I lors de l'atterrissage. À près d'un mètre de profondeur dans le sable. Avec un écartement de neuf mètres. Sur une longueur de plus d'un kilomètre et demi. Droites comme si elles étaient tirées au cordeau sur la face sombre de Syrtis Major. Telle, était l'empreinte du premier vaisseau terrestre ayant atteint Mars, onze heures auparavant.
Les deux hommes avancèrent avec difficulté à travers le sable rougeâtre.
Existait-il quelque part un robot géant, sinistre et froid, veillant sur ce monde mort, attendant patiemment le signal annonciateur de cerveaux étrangers à détruire, suivant l'ordre chuchoté par ses anciens constructeurs ?
Pendant combien de siècles la surveillance avait-elle été vaine ?
Aujourd'hui elle ne le serait plus.
…Errait-il dans les déserts rouges, ses semelles géantes écrasant le sable, la neige polaire et la boue desséchée de temps immémorial au fond des canaux entrecroisés – furetant avec vigilance, sondant l'air, le sol, les radiations – limier d'acier, véloce tout d'argent, mortel Béhémoth ; silencieux peut-être, à part le frottement de l'acier contre l'acier huilé, les cliquetis des relais ?
De quelle taille démesurée ? De quelle puissance ? Peut-être masquerait-il le ciel. Maintenant il devait renifler en allant à leur rencontre, quelque part dans les sables, arrivant plus vite que le vent, mais sans bruit. Seule devait gémir sa force grandissante, un million de lumières faisaient clignoter des directives dans les cellules photo-électroniques, les circuits de distribution bourdonnaient, les oculaires cherchaient, éprouvaient, pointaient, tandis que, dans les alvéoles du robot, de petits ateliers de réparation étaient prêts à s'activer au moindre signe de panne ou d'usure…
Avait-il un cerveau ? Était-il capable de penser ? Pouvait-il se rendre compte que les Terriens n'étaient pas des ennemis ? Qu'ils venaient en toute amitié dans une Mars ancienne, pacifique, tranquille ?…
— « J'avais raison ! » haleta Adams, tandis qu'ils dévalaient une pente. « Et toi aussi tu avais raison. J'ai peur ! C'est d'une infernale clarté, maintenant !…»
— « Quoi ? » cria Pym, pour dominer le craquement de la glace mince comme du papier, au bas de la dune qu'ils venaient d'atteindre.
— « Quelle autre signification attribuer aux pictographes ? » se lamenta Adams.
— « Des bestioles, » fit Pym, sarcastique.
Ils se mirent à escalader la pente suivante…
Au-dessus d'eux se dressa un robot.
Hurlant d'effroi, ils s'aplatirent mollement sur la dune, dégainèrent leurs pistolets à répétition, tirèrent des rafales de projectiles explosifs.
Des déflagrations bleues flamboyèrent, rugirent, étincelèrent, tonnèrent dans la nuit. Des ombres fantastiques naquirent sur les pentes ondulées des dunes. La glace tourna en vapeur et s'éleva en nuages bouillants. Des particules de sable crépitèrent et dansèrent, soulevées par les secousses qui claquaient de toutes parts.
Le robot baissait les yeux vers eux, raidi dans une complète immobilité.
— « Sa tête ! » vociféra Pym. « Regarde-le ! C'est le Défenseur ! »
Ils concentrèrent leur tir sur la tête immense, muette et à faces multiples du robot. Il semblait les regarder d'un air impassible. Leurs pistolets se déchaînèrent contre lui, à la cadence limite de dix décharges de fusion par seconde et par arme.
La tête se détacha.
Elle oscilla sur son cou de métal bouillant, heurta une épaule aux muscles métalliques, rebondit et fit rejaillir tout autour d'elle des gouttelettes en fusion, puis tomba avec un bruit sourd sur la crête de la dune. Elle roula une fois – puis une fois encore – et ne bougea plus. Le sable craqua sous elle, le silice réagissant sous l'effet de l'infernale chaleur. Un reflet rouge s'éteignit dans le noir.
Le corps du robot décapité resta immobile. Pas une seule fois il n'avait fait le moindre mouvement.
Haletants, les deux hommes levèrent les yeux. Leur respiration était sifflante, mais ils reprirent finalement leur souffle.
Pym se mit sur son séant. Rengaina son pistolet. Se releva. Grimpa audacieusement sur la butte, jusqu'à ce qu'il fût devant le robot silencieux.
Il lui assena un coup de pied à la cheville et s'écria joyeusement : « Bien fait pour ce maudit Défenseur à la manque ! »
Le pied sur la tête décollée, il avait pris une pose fanfaronne lorsque Adams le rejoignit.
Adams regarda Pym de travers, le dépassa et se mit à examiner les articulations de l'immense corps du robot.
— « Ce machin-là, » déclara-t-il, « n'a pas bougé depuis mille ans ! Il est rouillé jusqu'à la moelle. Mort depuis Dieu sait combien de temps ! » Il hocha la tête, souriant à la vue de la posture héroïque de Pym. « Nous n'avions rien à craindre de lui… c'est une épave intégrale ! »
— « Alors, » répéta Pym avec satisfaction, « c'est bien fait quand même pour ce maudit Défenseur ! »
— « Regarde-le, » fit Adams d'un ton calme.
— « Hein ? »
— « Il n'a pas été construit pour la vitesse au sol, ni pour le vol dans les airs. De toute évidence, il n'a pas été prévu pour résister à une attaque. Or je suis sûr que les Envahisseurs étaient mieux armés que nous le sommes. Je me demande même s'il a été construit pour durer. » Il posa la main sur le bras droit du robot, grand, froid et paisible. « C'est un travailleur. »
Pym écarquilla les yeux.
Adams frappa la « main » droite grossière du robot. « Tu connais ce modèle ? C'est soit un terrassier, soit un mineur, soit un défricheur, soit un laveur de sable aurifère. Peut-être un chercheur d'eau. » Il hocha la tête. « Ce n'est pas une création des savants martiens prévue pour tuer un million d'ennemis…»
— « Il était venu pour nous, » dit Pym.
— « C'est nous qui sommes allés vers lui, » rectifia Adams. Il désigna les dunes environnantes. « Nous étions dans un tel état d'énervement que nous nous sommes égarés. Avons-nous déjà pris ce chemin ? Non, je crois que nous avons dévié d'une ou deux dunes de la piste habituelle…»
— « Bien fait pour le Défenseur, » conclut Pym avec optimisme.
— « Et bonne chance pour nous, » murmura Adams.
Ils reprirent leur marche vers le vaisseau.
Ils y arrivèrent… presque.
Déimos se leva… et fit une pause sur son orbite… et se rappela.