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DAMON KNIGHT - CITOYEN DE SECONDE CLASSE

CITOYEN DE SECONDE CLASSE  
 
 
 
 
Après tout ce que nous avions appris aux dauphins comme à la race la plus intelligente après l'homme, il fallait bien qu'un jour ils aient quelque chose à nous apprendre.  
 
 
 
Bien qu'il fût habitué au soleil tropical un pinceau lumineux, réfléchi par l'une des fenêtres du laboratoire, transperça la tête de Craven au moment où il traversait l'allée, à la tête de son petit groupe de visiteurs venus du continent. Il ressentit un malaise fébrile que les libations de la nuit dernière ne suffisaient pas à expliquer. Peut-être couvait-il quelque chose. Qu'à Dieu ne plaise ! Le moment serait particulièrement mal choisi, puisque le reste du personnel était parti à Charlotte Amalie pour le week-end.  
 
— « À quelle heure disiez-vous qu'arrive l'avion en provenance de Miami ? » demanda le gros homme grisonnant, à la moustache taillée court. Se hâtant pour rejoindre Craven tout en consultant son bracelet-montre, il trébucha et lâcha un juron. « Je devrais déjà être rentré à New York. Dans l'état actuel de la situation internationale, je me sens sur des charbons ardents. »  
 
— « À deux heures quinze, » dit Craven brièvement. « Vous aurez tout le temps. »  
 
— « Que pensez-vous de cette crise, Dr Craven ? » interrogea l'une des femmes. Elle était dodue, avec des cheveux gris.  
 
— « N'êtes-vous pas inquiet de vous trouver tout seul ici ? À votre place, je ne vivrais pas ! »  
 
— « Oh ! je pense que ça se tassera, » dit Craven avec indifférence. « Chaque fois, c'est la même chose. »  
 
— « Oui, c'est vrai, jusqu'à présent, » dit l'homme pansu d'un ton soulagé. Il fit halte, clignant des yeux pour scruter la baie, au-delà des construction de ciment. « Je viens de voir quelque chose bondir là-bas. Tenez, encore un autre. Seraient-ce quelques-uns des animaux ? »  
 
— « Oui, ce sont les dauphins, » dit Craven. Avec un peu d'irritation, il s'avança pour ouvrir la porte du laboratoire. « Par ici, je vous prie. »  
 
À l'intérieur, il faisait plus frais qu'à l'extérieur, mais les grandes baies donnant sur la mer y déversaient des flots de lumière. Sur le mur, on apercevait un grand alphabet, avec des dessins aux couleurs vives représentant des objets simples. Le sol était constitué par une grande dalle de ciment, coupée, dans son extrémité la plus éloignée, d'une tranchée en forme de canal, ouverte aux deux bouts. L'eau dans le canal se levait et s'abaissait avec un lent mouvement propre à donner le vertige. La tête de Craven commençait à le faire souffrir.  
 
— « C'est ici que nous accomplissons la plupart de nos travaux avec les dauphins, » dit-il. « Veuillez patienter une minute, je vais voir si je peux en faire venir un. »  
 
Il se dirigea vers un panneau mural ; appuya sur un bouton électrique et parla dans le microphone.  
 
— « Pete, ici Charles. Viens, je te prie. »  
 
Une sorte de coassement provenant du haut-parleur mural, lui répondit.  
 
— « Très bien, je t'attends, » dit Craven et il coupa le micro.  
 
— « Était-ce l'un des dauphins qui parlait ? » demanda l'une des femmes.  
 
Craven sourit. « C'est exact, c'était Pete, notre meilleur élève. Jetez un coup d'œil par la baie, et ne vous approchez pas trop près du canal, je vous prie. »  
 
Quelques-uns des visiteurs s'écartèrent nerveusement du bord dans un grand bruit de pieds ; d'autres se rapprochèrent des baies.  
 
Dans le canal de ciment qui menait directement au mur du laboratoire, une ombre grise se mouvait avec une rapidité surprenante. Rien n'apparaissait à la surface si ce n'est de temps à autre un jet d'eau vaporisée. Les visiteurs firent entendre un murmure d'appréhension ; certains s'écartèrent des baies.  
 
— « Attention ! » cria quelqu'un. La forme grise jaillit dans la pièce ; dans le canal, l'eau s'enfla comme si elle allait déborder, puis retomba avec un clappement. Il y eut un cri, puis des rires nerveux.  
 
 
 
Dans le canal venait d'apparaître, à demi émergé, un corps fuselé, luisant d'eau. Il fit entendre le curieux coassement qu'avait précédemment transmis le haut-parleur.  
 
— « C'est bien, Pete, » dit Craven. « Sors, maintenant ! »  
 
— « Parlait-il réellement ? » demanda quelqu'un derrière lui, « Avez-vous compris ce qu'il disait ? »  
 
Sans se donner la peine de répondre, Craven pressa un bouton sur le panneau de contrôle. D'une cavité pratiquée dans le mur, sortit un palan électrique supportant une plate-forme de métal incurvée, solidement contreventée. La plate-forme s'abaissa dans l'eau ; le dauphin vint prendre position au-dessus d'elle. Craven pressa un autre bouton ; la plate-forme s'éleva ruisselante d'eau. Le palan se déplaça en avant et déposa son passager sur un châssis muni de roues qui se trouvait sur le bord du canal. Il y eut un déclic et les bras du palan se replièrent le long du mur. Sur la plate-forme qui formait maintenant le plancher du châssis à roues, on pouvait voir un robuste mammifère long de deux mètres cinquante. Il clignait malicieusement l'un de ses yeux dans la direction de Craven. La bouche, ouverte comme pour sourire gaiement, était garnie de dents coniques aux pointes acérées.  
 
— « Grands Dieux, » dit l'une des femmes, « j'espère qu'il ne mord pas ! »  
 
— « Il n'est pas d'exemple qu'un dauphin ait attaqué l'homme, » dit Craven négligemment. Il pressa un bouton sur le panneau de contrôle. « Dis bonjour à nos visiteurs, Pete ! »  
 
Le dauphin jeta un coup d'œil malin sur le groupe de personnes rassemblées derrière Craven et fit entendre une de ses explosions sonores haut perchées. Pour l'oreille entraînée de Craven, les mots étaient confus, mais compréhensibles. Pour les autres, il le savait, ce n'était, que du bruit ;  
 
Il pressa un autre bouton sur le panneau. Au bout d'un moment, la voix du dauphin enregistrée, ralentie et dans un registre plus bas, sortit du haut-parleur.  
 
— « Bonjou Mèames Mècheu ! »  
 
Il y eut un murmure général, une rire nerveux, puis une voix claire : « Qu'a-t-il dit ? »  
 
— « Sa bouche n'a pas remué lorsqu'il parlait, » remarqua quelqu'un d'un ton de doute.  
 
Craven sourit. « Il ne s'en sert pas pour parler. La gueule, c'est pour le poisson. Il parle par ses évents – voyez, là, au sommet de sa tête. Approche-toi, Pete, qu'on puisse t'examiner. »  
 
Docilement, le dauphin s'approcha sur son véhicule, traînant à sa suite un long tuyau de matière plastique. Des jets d'eau pulvérisée s'étaient mis à jaillir de tubes perforés disposés de chaque côté de l'engin, faisant luire la peau de l'animal. Du sein de cette petite averse personnelle, le dauphin contemplait les visiteurs avec un intérêt amical.  
 
— « Il possède exactement la ligne d'un avion à réaction, » remarqua l'un des visiteurs mâles. « Voyez la courbe de sa tête et de son… euh… museau. »  
 
Craven sourit. « Des problèmes similaires appellent des solutions similaires, » dit-il. « Pete est aérodynamique comme un avion. C'est un dauphin à bec de canard – de la même espèce que Lilly utilisa pour ses premiers travaux. Il pèse environ 1.800 kilos ; son cerveau est légèrement plus volumineux que celui de l'homme. Pete est plus intelligent qu'un chien ou qu'un singe. Non seulement il peut comprendre des ordres que nous lui donnons – mais il peut nous répondre. C'est pourquoi nous estimons que ces recherches ont tant d'importance. Nos travaux consistent à instruire une autre espèce de façon à la faire entrer dans la communauté humaine. »  
 
 
 
Il y eut un moment de silence. L'assistance était impressionnée. Ça leur en bouche un coin ! pensa Craven.  
 
— « À quoi servent tous ces mécanismes ? » demanda un homme.  
 
— « Il commande les moteurs au moyen de ces tiges que vous voyez sous ses nageoires caudales, » dit Craven. « Les autres leviers latéraux servent à la manipulation – il les actionne au moyen de ses nageoires latérales. La grande lacune de Pete, c'est qu'il ne possède ni mains ni pieds – mais nous faisons de notre mieux pour pallier cet inconvénient. Veux-tu leur montrer, Pete ? »  
 
— « Oui, Charles ! » dit le dauphin joyeusement. Le châssis se mit en marche, roula sur le sol jusqu'au banc à l'autre bout de la salle en laissant un sillage humide derrière lui. Des bras articulés se développèrent à l'avant du véhicule, tâtonnèrent pour saisir une baguette, la saisirent dans des pinces de métal.  
 
— « Montre-nous une pomme, Pète, » dit Craven.  
 
La baguette se souleva, flotta un instant et sa pointe vint s'immobiliser sur un dessin vivement colorié représentant une pomme sur une carte murale.  
 
— « Maintenant, le garçon, » dit Craven. On entendit des murmures d'admiration tandis que le dauphin montrait le garçon, le chien, le bateau.  
 
— « Maintenant, « épelle chat, » dit Craven. La baguette se posa successivement sur les lettres C-H-A-T.  
 
— « C'est très bien, Pete. Tu auras beaucoup de poisson aujourd'hui. »  
 
Le dauphin écarta largement ses mâchoires, poussa une sorte d'exclamation rauque, puis éclata d'un curieux rire pétillant, à la manière des dauphins. Il y eut un mouvement de nervosité parmi les visiteurs.  
 
— « Il n'y a pas d'exemple qu'un dauphin ait attaqué l'homme, dites-vous, » remarqua une jeune fille aux yeux gris. C'était la première fois qu'elle prenait la parole, mais Craven l'avait vue. Elle était jolie, élancée et se tenait très droite.  
 
— « C'est exact ! » dit-il en lui faisant face. « Rien ne leur serait plus facile – vous savez qu'ils tuent les requins – mais le fait est là. »  
 
— « Même lorsque les gens leur ont fait du mal ? » demanda-t-elle. Ses yeux gris étaient pleins de sérieux.  
 
— « Parfaitement, » dit Craven.  
 
— « Il est exact que de nombreux dauphins ont été tués au cours de ces recherches ? »  
 
Craven se sentit gagner par un léger sentiment d'irritation.  
 
— « Au début, nous manquions d'expérience. Des accidents se sont produits, » dit-il d'un ton sec. Puis il se détourna. « Maintenant, essayons autre chose de plus difficile. Montre-nous une expérience de chimie, Pete. »  
 
Le dauphin se tourna de nouveau vers le banc.  
 
— « Voici un exercice que Pete vient tout juste d'apprendre. Je dois avouer que nous en sommes assez fiers, » dit Craven.  
 
Sur le-banc se trouvait un petit dressoir avec plusieurs bouteilles capsulées, un gobelet et une rangée de tubes à essais. Dirigeant les bras articulés au moyen de ses nageoires, le dauphin saisit une bouteille et retira la capsule. L'une des pinces de métal tenait la bouteille ; l'autre saisit un tube à essais. Lentement, Pete fit couler le liquide de la bouteille dans le tube. Il s'emplit et déborda. Le dauphin se dandina nerveusement d'avant en arrière dans sort engin.  
 
— « Allons, Pete, » dit Craven avec douceur. « Ne t'énerve pas, c'est très bien, continue ! »  
 
Le dauphin reposa la bouteille qui heurta le banc, versa le contenu du tube à essais dans le gobelet. Les pinces se dirigèrent dans la direction d'une autre bouteille, glissèrent une première fois et revinrent à la charge. Au second essai, elles saisirent la bouteille, l'inclinèrent, mais manquèrent le tube à essais. Manœuvrant pour rectifier, le dauphin cogna la bouteille contre le tube. Celui-ci se brisa. La bouteille tomba et répandit son contenu.  
 
Le dauphin fit reculer son engin, braqua en direction de Craven. « Ch'est trop diffichile, Charles, » dit-il plaintivement. « Ch'est trop diffichile. »  
 
Craven serra les poings de dépit. L'animal avait parfaitement réussi son exercice aux trois derniers essais…  
 
— « Ça ne fait rien, Pete, » dit-il. « Tu as bien travaillé. Va jouer maintenant ! »  
 
— « Tout fini ? » demanda Pete.  
 
— « Oui. Au revoir ! »  
 
— « Au revoir. »  
 
Le dauphin fit faire demi-tour à son véhicule, atteignit le bord du canal. Les bras articulés se rétractèrent. La plate-forme de l'engin s'inclina légèrement et le cétacé glissa dans l'eau sans pratiquement provoquer le moindre remous. On vit un éclair gris glisser sous l'eau ; puis le canal fut vide.  
 
 
 
Sur le chemin qui les menait à l'hydravion, Craven marchait aux côtés de la jeune fille aux yeux gris.  
 
— « Eh bien, qu'en pensez-vous ? » lui demanda-t-il.  
 
— « J'ai trouvé cela extrêmement pathétique, » dit-elle. Ses yeux gris brillaient d'indignation. « Vous parlez de les faire entrer dans la communauté humaine ! C'est une erreur. Il s'agit d'un dauphin et non d'un homme. Le pauvre animal manifestait tellement de bonne volonté… pour arriver à quoi ? À égaler à peine un enfant attardé ou infirme ! J'en avais mal au cœur ! »  
 
Après le départ des visiteurs, Craven ne pouvait tenir en place. Les paroles de la jeune fille lui revenaient sans cesse ; elles contenaient suffisamment de vérité pour lui donner un sentiment de malaise. Son mal de tête ne s'était pas amélioré. La chaleur était toujours accablante. Il errait dans son appartement, regardant avec dégoût les gros titres du journal de Miami de la veille, puis il finit, par ouvrir la télévision.  
 
— «…d'émission de rayons radioactifs, » disait un homme ventru et grisonnant, en prononçant chaque mot distinctement. « Maintenant la question qui se pose est celle-ci : quelles seraient pour nous les conséquences si ces armes…»  
 
Sa voix fut coupée brusquement et un écriteau couvrit l'écran : ÉDITION SPÉCIALE. Rien d'autre ne se passa pendant un moment. Craven alluma une cigarette et attendit patiemment ; il s'agissait probablement d'une communication sur l'interminable conférence de la paix à la Nouvelle-Delhi.  
 
Une voix dit soudain :  
 
— « Nous interrompons ce programme pour vous apporter…» Puis elle s'interrompit et le panneau disparut. Il ne restait plus sur l'écran qu'un chevauchement de raies instables. Du haut-parleur sortait un chuintement monotone. Au bout d'un moment Craven reposa sa cigarette et appuya le sélecteur de canaux. Il n'y avait rien sur aucune des chaînes sauf sur la 13 où une faible image grise se montra un instant, puis disparut.  
 
Craven considéra le poste, se sentant saisi d'une frayeur soudaine. Si son poste était en panne, pourquoi la chaîne 13… ?  
 
Il découvrit qu'il tremblait. Sans essayer de comprendre ses actes, il se débarrassa de sa chemise et de son pantalon. Nu à l'exception de ses souliers, il courut vers le placard, retira le masque, les palmes, les bouteilles à air et le régulateur.  
 
Il remarqua que le ciel était brillant et vide tandis qu'il courait vers le dock – pas un seul avion en vue. Craven endossa son harnais, le boucla rapidement. Il jeta un coup d'œil à la bouée qui marquait l'emplacement de la maison sous-marine, puis plongea.  
 
À mi-chemin de la station, à quatre mètres environ de profondeur, il sut qu il ne s'était pas trompé. Un clapotis accompagné de sifflements se produisit au-dessus de sa tête, et levant les yeux, pétrifié, il aperçut une pluie d'étincelles d'or qui descendaient dans l'onde, avec chacune son furieux cortège de bulles. L'une d'elles passa si près qu'il en sentit la chaleur sur sa peau. Il se tortilla pour l'éviter et la regarda, avec incrédulité, descendre au fond, à vingt mètres plus bas.  
 
Une pensée se fit jour dans son cerveau paralysé de stupeur. La chose qui ne devait pas se produire s'était produite ; quelqu'un avait employé les armes effroyables qui auraient dû faire reculer l'humanité.  
 
 
 
La station sous-marine se trouvait à trente mètres de profondeur ; limite qu'on n'aurait pu dépasser sans pressuriser le dôme. Elle était construite sur un plateau rocheux, et bien que de nombreuses étincelles d'or fussent tombées autour d'elle, aucune ne semblait être demeurée sur le dôme. Craven se dirigea vers le sas, y pénétra, et secoué par des frissons, se recroquevilla sur le banc, tandis que l'air chassait lentement l'eau de la chambre.  
 
Une fois à l'intérieur de la station, il jeta autour de lui des regards effarés. Il se surprit à dire tout haut : « Mon Dieu ! Que vais-je faire ? » Des fragments d'informations lancées par la télévision lui revinrent en mémoire. Ces infernales petites pastilles irradieraient de la chaleur pendant des mois. Il ne s'agissait probablement que de retombées accidentelles. Sur le continent, dans les centres surpeuplés, elles avaient dû tomber dru comme grêle…  
 
La station était pourvue d'un compresseur et d'un générateur électrique mû par la marée ; il pouvait recharger indéfiniment ses réservoirs ; mais comment se procurer de la nourriture, lorsque les boîtes de conserve de la réserve seraient épuisées ?  
 
Du poisson.  
 
Craven se sentait affaibli par le contre-coup du choc émotionnel qu'il avait subi, mais néanmoins, il ne pouvait tenir en place. Il ajusta son masque et sortit une fois de plus par le sas.  
 
Au fond, le nombre de pastilles ne semblait pas avoir augmenté, et elles avaient cessé de tomber. Rassemblant tout son courage, le savant nagea jusqu'à la surface. En émergeant de l'eau, il souleva son masque dans le but d'examiner l'île.  
 
Les laboratoires étaient en flammes. Derrière, la montagne n'était plus qu'une masse de fumée d'un blanc jaunâtre.  
 
Le ciel paraissait vide, mais Craven ne put supporter l'écrasante réverbération bleue. Il rabaissa son masque et plongea de nouveau.  
 
Au sein des profondeurs glauques, Craven perçut le jacassement haut perché des conversations entre dauphins, et à une ou deux reprises, il vit passer leurs formes grises. Un banc de harengs dodus vint à passer dans son champ de vision. Il sursauta et se lança à leur poursuite.  
 
Il y avait des fusils sous-marins à la station, mais il n'avait pas pensé à en prendre. Il nagea vers les poissons, s'efforçant gauchement de les saisir avec ses mains. Mais ils se dérobaient avec la plus grande aisance.  
 
Il faut que j'apprenne, se disait Craven. La mer est maintenant mon élément. Je dois m'y adapter…  
 
Une grande masse grise se dirigea à sa rencontre. L'homme se raidit, mais ce n'était que Pete, qui l'observait avec une curiosité amicale.  
 
Le banc de harengs s'était reformé non loin. Soudain, le dauphin fit demi-tour, s'éloigna d'une poussée nonchalante des nageoires. Un instant plus tard, il revenait, un hareng bien dodu entre les mâchoires.  
 
— « Tiens, Charles, » dit-il gentiment. « Ch'est comme cha qu'on attrape le poichon…»  
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Traduit par Pierre Billon.  
 
Titre original : The second-class citizen.

(c) Bernard SAUNIER - Créé à l'aide de Populus.
Modifié en dernier lieu le 14.05.2024
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