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Le temple par JANE ROBERTS

Le temple par JANE ROBERTS 
 
Voici la nouvelle sur laquelle, ce mois-ci, nous attirons l’attention des lecteurs ennemis des recettes toutes faites (comme le mois dernier sur « Guerre dans les airs »). Récit de science-fiction ou récit surnaturel ? Qu’on opte pour l’une ou l’autre tournure, le thème demeure en tout cas extrêmement original et inquiétant. C’est un nouvel auteur de grand talent que nous révèle « Le temple ». Avis aux amateurs : surveillez dans « Fiction » les prochaines histoires de Jane Roberts. 
 
 
C’ÉTAIT une ville plate. Le soleil rôtissait les os des hommes, leur peau était dure et craquelée. Leurs baraques s’appuyaient mélancoliquement les unes contre les autres, et l’odeur de porc et de gumbo(1) imprégnait profondément toutes les fissures et les recoins, les literies poussiéreuses, et même les planches dont elles étaient construites. 
 
Ainsi était la ville et ses habitants. Chaque baraque n’avait qu’une pièce meublée d’un lit grinçant, d’une table, d’un antique évier, et décorée de portraits de stars de cinéma, de calendriers, d’images pieuses, souillés et obscurcis par les fumées des poêles. Et il y avait les enfants rachitiques et crasseux de naissance, les femmes fatiguées aux yeux inexpressifs, et les hommes sans espoir, assis désœuvrés et abrutis. 
 
Ce n’était qu’un rassemblement de petits taudis, de pauvres maisons empilées les unes contre les autres sur le bord de la route poussiéreuse. Et cette ville arriérée et oubliée était à soixante kilomètres seulement de la scintillante ville de Daytona, de ses touristes et de ses hôtels flamboyants de néon. Parfois, de loin en loin, un visiteur perturbait la ville, débarquant précautionneusement d’une auto reluisante, et il s’aventurait jusqu’à un des perrons branlants. 
 
C’était toujours des vendeurs de porte à porte, rutilants d’amabilité feinte, arborant des sourires du type « Je viens en ami ». Et plutôt que d’offenser ou de déplaire, les hommes poussiéreux et les femmes atones acquiesçaient, acquiesçaient et signaient, et payaient des mensualités pour des appareils ménagers, des polices d’assurances, des objets, qui, ils le savaient d’avance, ne viendraient jamais. 
 
Et les enfants restaient immobiles à regarder, longtemps après que l’étranger eut disparu. Ils regardaient avec respect jusqu’à ce qu’un nuage de poussière cachât la machine miraculeuse, mais ils étaient silencieux car ils ne connaissaient pas de paroles pour exprimer leur admiration, et leurs parents ne pouvaient leur enseigner. 
 
Cependant, le soir où la limousine noire et brillante s’arrêta aux abords de la ville, ils comprirent tout de suite qu’il ne s’agissait pas d’un camelot. La voiture s’arrêta, tel un scarabée, noire comme la nuit. Puis ses yeux s’allumèrent. Trois hommes bondirent dehors, minces et nerveux, souples comme des mauvaises herbes. 
 
Ils restèrent un instant immobiles dans l’obscurité puis, à la lumière des phares, ils s’affairèrent, rapides et précis comme des insectes, allant de la voiture au champ. Des cordes se tordirent parmi la poussière et les pierres, des marteaux se firent entendre, et un monstrueux édifice de toile fatiguée s’installa dans les saccades et les grincements. 
 
Et au matin, la tente attendait ; elle attendait d’être remplie par les femmes usées, les enfants rachitiques aux yeux perdus, les hommes assis maussadement aux seuils de leurs portes béantes. Et ainsi ils surent, tandis qu’ils contemplaient, accroupis sur les matelas crasseux, la pyramide de toile dont les flancs battaient dans le vent, que cette fois-ci il ne s’agissait pas d’un camelot ordinaire. 
 
Ils se demandaient ce qu’il leur voulait dans cette misérable ville fatiguée, avec sa limousine, sa tente, son sourire gracieux et ses yeux vert épinard. Ils se demandaient ce qu’il voulait, lui et les deux hommes qui le suivaient et le regardaient, et l’écoutaient lorsqu’il parlait. 
 
Et le Frère Michael souriait et se curait les dents. Il parfumait les revers de sa veste élimée et contemplait d’un œil spéculateur et attentif l’espace qui le séparait de la ville. Il s’était installé pas trop près, ni trop loin non plus, et ceci résultait d’une subtile nuance psychologique, car cette position précise l’intégrait à la ville mais pas complètement. 
 
Et son costume, bien que provenant d’un magasin élégant, témoignait pourtant d’une usure légère mais calculée au niveau des revers ; chaque matin, Frère Michael, avec un soin infini, étalait une pellicule de poussière sur ses souliers noirs et brillants. Quant à son comportement, il représentait aussi une composition de variations subtiles, chacune étudiée pour produire un effet précis. Il était digne, tout à fait le maintien d’un chef, mais pourtant teinté d’une touche d’humilité et même, à l’occasion, d’effacement. 
 
L’homme était grand et brun, ce qui constituait un atout appréciable, et d’une charpente solide. Ses chevaux noirs, soigneusement ondulés, retombaient sur son large front en une mèche d’un désordre savant. Les yeux vert épinard savaient sourire avec une franchise désarmante, et un instant plus tard luire du feu d’une inspiration diabolique. 
 
Donc, depuis la taille jusqu’à la tête, Frère Michael était fort satisfait de sa personne. Il n’y avait que les jambes, indéniablement longues et regrettablement cagneuses, qui lui causaient quelque souci. On aurait pu penser, en l’examinant, que Dieu avait voulu faire le soi-disant frère tout en jambes, et que seulement au dernier moment il avait fabriqué le torse avec ce qu’il restait comme matière. 
 
Donc, de bonne heure ce matin-là, Frère Michael expédia ses deux Frères du Temple Secret à l’assaut de la ville, avec pour mission d’évaluer les possibilités de ses habitants. Puis Frère Michael sortit un réfrigérateur portatif de sa voiture, une bouteille de son petit sac noir, s’assit confortablement et dégusta tout à son aise un rafraîchissant whisky-soda. 
 
Il se cura les dents, remit en place sans y faire attention la mèche de cheveux qui ornait son front, et examina avec une satisfaction avide la scène devant ses yeux. Car c’était le début de la saison des oranges, l’époque la plus appropriée. L’odeur de porc était pénétrante et les bouteilles de soda vides traînaient aux fenêtres et aux seuils des portes. 
 
C’était facile de juger ces petites villes de Floride, avant même de prononcer le premier sermon de l’Éternel et d’ériger la tente. La méthode était toute simple. Quand il y avait des bouteilles de soda, la saison était bonne et les gens avaient de l’argent. Quand la saison était mauvaise, ils buvaient de l’eau. 
 
Frère Michael soupira, termina sa boisson, et entra dans la tente par la fente arrière. L’odeur de renfermé s’enroula autour de son cou et de ses épaules, et ses narines frémirent en étant frappées par la senteur lourde des corps qui se cachait encore dans les replis. Un de ces jours, il aurait une église. Comme cela, l’odeur d’une fournée de fidèles pourrait se dissiper par la fenêtre avant l’arrivée de la suivante. 
 
Mais il y avait encore du travail à faire. Il déroula une petite section de toile qui s’ouvrait sur une fente de la taille d’un judas, sortit une paire de jumelles et examina la ville de ses yeux luisants. 
 
Frère Larry atteignait justement la première cabane. Il était grand lui aussi, mais très maigre. Son visage blanc avait un air de jeunesse et ses cheveux étaient pâles et ternes comme du blé. Il frappa à la porte, puis se tourna vers la rue qu’il contempla d’un air soigneusement distrait. Lorsqu’il releva enfin la tête pour regarder la femme maigre, aux lèvres minces, qui se tenait devant lui, Frère Larry sembla tout surpris comme s’il s’attendait à tout sauf à cela. 
 
— « Oh ! » dit-il, en bégayant, et ses longs bras esquissèrent un mouvement d’impuissance le long de son corps. Bien, pensa Frère Michael, qui le surveillait toujours. Mais encore un peu trop emprunté, trop insignifiant. Il avait répété mille fois à Larry que les bras ne devaient pas seulement pendre inertes, mais qu’ils devaient parler. Ils devaient faire comprendre en un seul geste la profonde tristesse que l’on éprouvait à déranger, bien malgré soi, la respectable maîtresse de maison. 
 
Enfin, chaque muscle du corps de Larry exprimait une bonne foi juvénile. Il se plia presque en deux à la taille, et ses mains, plantées au bout de ses bras maigres, semblaient implorer qu’on le laisse entrer. 
 
Frère Michael ricana de satisfaction. La femme souriait, hésitante. Larry recula d’un pas, trébucha, et en un seul mouvement fut à l’intérieur. Ce pas de recul les trompait toujours. Ils ouvraient la porte toute grande dans leur effroi, et sans qu’ils s’en rendent compte, on entrait. C’était la meilleure technique possible et Frère Michael en rit tout seul. Il avait vendu des tas d’encyclopédies de cette manière. 
 
Il rangea les jumelles, car il n’en avait pas besoin pour savoir ce qui se passait dans la maisonnette. Frère Larry refuserait obstinément l’offre de la seule chaise disponible comme pour marquer qu’il ne méritait pas une telle distinction. Au contraire, passant sa main dans ses cheveux en désordre d’une geste de gamin, il se laisserait tomber tout à coup par terre, sans paraître s’apercevoir de la saleté et des détritus qui jonchaient le sol, et sourirait avec candeur aux enfants crasseux et étonnés. 
 
— « Ciel ! Comme il fait bon s’asseoir. » Puis : « Excusez-moi de vous déranger, mais pourrais-je avoir un verre d’eau ? » Tout ceci dit avec un accent du sud des plus convaincants bien que Frère Michael fût né et eût passé son enfance dans l’Ohio du Nord. 
 
Et la partie était gagnée. Ce geste sans importance, cette demande insignifiante, mettaient immédiatement la femme à son aise et de plus lui donnaient l’impression que Frère Larry acceptait son hospitalité. Et Larry, après avoir bu avidement, se mettrait à sourire. 
 
— « Je dois vous dire, » avouerait-il en baissant la voix et en courbant la tête, « que je suis ici avec Frère Michael. Mais j’avais tellement soif, » (ici, la main sur le cœur) « que je n’ai pas pu m’empêcher de me mettre à l’abri de cette chaleur. 
 
» Enfin, je ne devrais pas vous dire tout ça, mais vous avez été tellement gentille avec moi, alors voilà. Frère Michael a un message du bon Dieu à donner à tous les pauvres gens. 
 
» Je vous comprends très bien, moi aussi j’ai eu du mal à y croire au début. Mais une fois que la lumière s’est faite en moi… Oh ! ma Sœur, l’Esprit de Dieu est doux ; Il m’a pardonné mes péchés et a guéri mon âme. 
 
» Oui, effectivement il sera dans la tente. C’est un secret, mais il est possible, tout juste possible qu’il ait une vision ce soir ! Il faut que je m’en aille, maintenant. Mais attention, ne répétez rien de tout ceci à qui que ce soit. 
 
» Et pensez donc, Frère Michael peut dire aux pauvres comment s’enrichir, et je ne parle pas des richesses spirituelles, mais des vraies richesses en bon argent sonnant. 
 
» Eh bien, merci encore, mademoiselle… Oh ! pardon, madame. Excusez-moi. J’ai tout naturellement pensé que ces jeunes garçons étaient vos frères. Et bien, au revoir, ma Sœur. Que Dieu soit avec vous. » 
 
Frère Michael attendit, et enfin reprit les jumelles. Larry avait eu tout le temps nécessaire pour vendre sa salade et être de retour. Puis il fronça les sourcils. Larry était à mi-chemin des baraques et de la tente ; il sifflait et une cigarette pendait de ses lèvres minces. Il aperçut Frère Michael et le salua gaiement. Frère Michael jura. Il avait répété mille fois à cet imbécile qu’il fallait garder son air ingénu jusqu’à ce qu’il eût regagné la tente. Bon Dieu ! Même les poires avaient des yeux et ce n’était pas rentable de les sous-estimer. 
 
Enfin Larry avait fait du bon boulot et bientôt toute la ville bourdonnerait au sujet de la sainteté légendaire du Frère Michael et du message qu’il avait reçu de Dieu. Il fit signe à John et à Larry et se dissimula sous la tente. Personne ne devait l’apercevoir avant l’heure dite, et d’ici là Sue aurait eu le temps de travailler. 
 
— « Sœur Sue. » corrigea John en riant. 
 
Frère Michael se récura les dents. 
 
— « Elle ferait bien de ne pas oublier d’enlever son rouge et son vernis à ongles cette fois-ci, » dit-il d’un ton menaçant. 
 
John rougit. Sa large face de lapin se rida d’anxiété. Il était gras mais propret, et doux et obéissant comme un petit chien. Mais à cet instant, son teint se rembrunit et ses grands yeux clairs se teintèrent de contrariété. 
 
— « Allons, Mike, c’est une bonne gosse. Elle n’a oublié qu’une seule fois. Et elle n’a pas sa pareille pour les exciter comme il faut. » 
 
Mike sourit gentiment comme pour pardonner et tapota John sur l’épaule. 
 
— D’accord. Mais passe-la en revue avant qu’elle parte pour être sûre qu’elle ne fasse pas de blagues. » 
 
Ils s’installèrent tous les trois bien à l’abri derrière la tente, là où personne ne pouvait les voir. Au bout d’un moment, Larry alla à la voiture pour chercher des cigarettes et, lorsqu’il revint, ses yeux étaient inquiets. 
 
— « Mike, il y a un gars qui arrive sur la route par-derrière. » Il s’arrêta et aspira une gorgée de whisky. « On dirait qu’il veut te doubler. Il porte une tunique. » 
 
Mike releva la tête avec intérêt. 
 
— « Mieux que la mienne ? » demanda-t-il. 
 
— « Ouais. » 
 
Mike réfléchit un instant, puis envoya John chercher la valise. « Mon costume noir, » ordonna-t-il. « Le plus beau. C’est pas la peine d’essayer de le battre sur le terrain des tuniques alors. » Puis il demanda à Larry : « Il a l’air d’avoir du fric ? » 
 
Larry posa son verre d’un air malheureux. Les questions directes le faisaient toujours transpirer. 
 
« Eh bien ? » 
 
— « Le tissu de ces fringues avait l’air bien, d’après ce que j’ai pu en voir. » Larry fronça les sourcils et mâchonna un brin d’herbe. « Mais s’il était plein aux as, il serait en bagnole, il me semble. » 
 
Mais John était déjà de retour. Rapidement, Mike enfila son élégant costume noir très strict et sa tunique blanche. D’une main, il lissa ses cheveux et porta l’autre à ses yeux. Il baissa les paupières. Les deux autres hommes gardèrent un silence respectueux. Ils changèrent également de costume. 
 
Enfin, Frère Michael rouvrit les yeux. Il n’était plus indécis ni désemparé. Calmes, puissants, assurés, les yeux noirs fixaient la route avec une expression de bienveillance divine. 
 
On fourra les bouteilles dans un trou creusé à la hâte, et les mégots furent dissimulés. Les trois hommes, côte à côte, se dirigèrent vers le devant de la tente. Frère Michael portait son simple costume noir comme s’il s’agissait de la soutane d’un évêque. Une dignité sereine émanait de sa personne, mais sa tête inclinée laissait entendre qu’il savait n’être qu’un humble émissaire du Tout-Puissant. 
 
Toutefois, sous les paupières mi-closes, ses yeux étaient inquiets. Il inclina la tête en arrière, la souleva dans une attitude de fervente prière, et examina des pieds à la tête l’étranger qui était maintenant presque à leur niveau. Ce qu’il vit ne lui plut guère. Avant même que l’autre ouvrît la bouche, Mike comprit qu’il n’était pas nouveau dans le métier. Son maquillage était parfait. Son assurance tranquille et son attitude témoignaient d’une authenticité effrayante, et, l’espace d’un instant, Frère Michael sentit la peur l’envahir. 
 
Et si par hasard, pensa-t-il, cet homme était un véritable homme de Dieu… Il avait souvent eu des cauchemars dans lesquels il rencontrait pour la première fois un prêtre sincère, un prêcheur authentique qui, d’un seul coup d’œil, mettait à nu sa propre hypocrisie et sa sainteté factice. Sans doute, cela était assez improbable dans son petit commerce particulier, mais les paumes de ses mains étaient moites de frayeur. 
 
Cependant il se reprit rapidement. Quel véritable homme de Dieu avait les moyens de se payer des tuniques du genre de celle que portait ce type-là ? Il n’y avait pas un authentique prêtre qui eût autant de galette. Son esprit cherchait avec une surprenante agilité les moyens de se tailler une part du gâteau tout en se demandant ce que cet individu pouvait faire dans ce coin perdu si sa combine marchait si bien. 
 
Les hommes s’approchèrent avec méfiance. Frère Michael entrouvrit les yeux, se croisa les mains et avança d’un pas. 
 
— « Salut, Frère. Au nom du Seigneur, je vous souhaite la bienvenue. » 
 
L’étranger s’inclina, fit un signe de tête à Frère Michael, et ne parut pas s’apercevoir de la présence des Frères Larry et John qui cachaient leur désarroi sous des sourires pieux. 
 
— « Que Dieu vous bénisse. » 
 
Frère Michael soupira intérieurement. Ce type avait l’air de bien connaître son affaire. La tunique blanche était immaculée, même l’ourlet était vierge de la poussière de la route. Une telle maîtrise dans la mise en scène était rare. Il arbora un large sourire exprimant l’amabilité et la bienvenue. 
 
— « Vous désiriez me parler, mon Frère ? Sans doute des questions touchant notre divine mission ? » 
 
Les lèvres épaisses et charnues de l’étranger bougèrent à peine. Ses yeux enfoncés luisaient sous ses épais sourcils blancs. Il ressemblait, pensa Mike, à un moine de l’Inquisition. Chaque trait de son visage était figé dans une expression de sévérité et de désapprobation. L’humour en était totalement absent. 
 
— « Pourrions-nous nous entretenir seuls, sans l’aide de vos saints disciples, dans la voie du Seigneur ? En toute humilité, » dit-il, « les affaires qui m’amènent à vous sont de nature très secrète, et la discrétion est essentielle. » 
 
Frère Michael sourit. Il dut refréner son désir d’envoyer l’étranger au diable. Sa voix cultivée l’agaçait, et surtout il y avait cet air convaincant d’authenticité et ce fanatisme contenu mais presque sinistre qui inquiétait Frère Michael plus qu’il ne voulait se l’avouer. Et en plus de tout cela, il y avait une chose sur laquelle Mike ne pouvait mettre le doigt – quelque chose d’effroyablement familier dans le physique de cet étranger. Il lui sembla que l’homme l’étudiait si attentivement que l’on aurait pu croire qu’il tirait du cerveau même de Mike des renseignements significatifs. 
 
Toutefois, il avait un aspect cossu. Mike pencha la tête, ferma les yeux et réfléchit. Puis hochant doucement la tête, il souleva une main vers les autres comme pour les bénir. Le geste signifiait : « Restez dans le coin et écoutez du dehors. » 
 
Les Frères Larry et John s’inclinèrent légèrement, répétèrent le même geste et s’éloignèrent lentement et avec dignité en direction de la ville. 
 
Ils feraient bientôt demi-tour. Frère Michael eut un sourire. 
 
 
 
*** 
 
 
 
— « Vous ne croyez pas à la deuxième immersion ? » demanda-t-il en guettant la réponse de l’étranger. 
 
La question était lourde de sens caché et l’autre donna la mauvaise réponse, en tout cas pour le Sud. Mike sentit s’évanouir ses appréhensions. Manifestement l’étranger n’était pas en pays de connaissance. Il n’y avait pas à se faire de bile. 
 
Il s’enfonça donc plus confortablement dans son siège et écarta les jambes. 
 
— « Quel bon vent vous amène, mon Frère ? » 
 
Mais l’expression de l’autre ne se détendit pas et ne perdit pas de sa sévérité en réponse au ton naturel de Mike. Sa peau blanche et blafarde gardait ses lignes molles et solennelles. Le visage de Mike se durcit un instant, mais il força ses yeux à reprendre leur expression de ferveur silencieuse. 
 
« Vous n’avez sûrement pas fait tout ce chemin rien que pour faire la connaissance d’un pauvre Frère du Seigneur ? » insinua-t-il. 
 
L’attention de l’autre s’aiguisa. Ses lèvres s’entrouvrirent en un sourire silencieux et dépourvu d’humour qui élargit encore le triangle formé par le nez proéminent. 
 
— « J’aspire à amener de nouvelles âmes dans la véritable lumière de Dieu. » 
 
Il dévisagea Frère Michael sévèrement et celui-ci déplaça le poids de son corps sur ses talons. 
 
— « Bien sûr, bien sûr, mon Frère. N’est-ce pas notre désir à tous ? Nous essayons tous de notre mieux, » murmura-t-il en déplaçant son regard vers le vide pour indiquer qu’il était temps d’en venir aux affaires sérieuses. 
 
— « Bien. Voici ce qui m’amène. J’ai mis au point une nouvelle méthode de conversion et je désire la mettre à l’essai. » 
 
Frère Michael permit à ses yeux de prendre une expression d’étonnement juvénile. 
 
— « Une nouvelle méthode ? » demanda-t-il. « Mais ne croyez-vous pas que les bonnes vieilles méthodes qui ont fait leurs preuves sont préférables ? » 
 
Tandis qu’il parlait, quelque chose en lui s’agita, quelque chose qui lui conseillait de dire non, sans-s’enquérir de quoi il s’agissait ou de l’avantage qu’il pourrait en retirer personnellement, de refuser vite avant d’être tenté. L’homme lui inspirait de la répugnance mais l’attirait en même temps par cette indéfinissable impression familière. 
 
Il se décida et son visage exprima à la perfection un mélange de gratitude et de regret. « Je regrette infiniment, infiniment. Mais même dans la Fraternité du Seigneur, nous avons chacun nos faiblesses et je dois avouer qu’en matière de conversion, je ne suis pas très moderne. » Il lissa ses cheveux et laissa tomber ses mains lourdement à ses côtés. 
 
« À dire vrai, je suis flatté, très flatté que vous ayez pensé à venir me trouver, mais somme toute…» (il baissa la voix) « qui sommes-nous pour nous mêler de changer quelque chose aux vieilles méthodes ? » 
 
L’étranger dévisageait intensément Frère Michael tout en l’écoutant. Il baissa la tête. 
 
— « Nous obéissons tous à la volonté de Dieu, » répondit-il avec emphase. « Toutefois, mes ouailles ne manquent pas de biens et je suis prêt à verser 500 dollars contre le privilège de faire une expérience ce soir. » 
 
500 dollars… Mike secoua la tête et se cura les dents. Pour une telle somme il serait prêt à se faire l’ami de n’importe qui. Il se pencha avec précaution vers son interlocuteur. 
 
— « Mille, » souffla-t-il. 
 
L’étranger sourit douloureusement. 
 
— « Je regrette, mais mon offre ne peut être augmentée. Un humble serviteur du Seigneur n’a sûrement pas besoin de plus. » 
 
Mike sourit. Il se demanda si l’étranger se rendait compte qu’il n’aurait jamais marché dans la combinaison si sa demande avait été acceptée. Une combine de 1 000 dollars aurait sûrement été louche. 
 
Il se sentit mal à l’aise sous le regard de l’autre et releva la tête de nouveau. 
 
— « Que dois-je faire ? » 
 
La voix de l’étranger ne laissait percer aucun signe de satisfaction. 
 
— « Presque rien, » dit-il. « Lorsque vous aurez préparé les gens et qu’ils seront sur le point de faire leurs, leurs…» 
 
— « Témoignages, » proposa Mike, en levant le sourcil. 
 
— « C’est cela. Lorsqu’ils seront prêts, vous n’aurez qu’à conclure en disant ces mots : « Le Seigneur est un grand oiseau blanc. » Je me charge de la suite. » 
 
Frère Michael sourit et toussa poliment. L’autre sortit deux billets de cent dollars de sa poche. 
 
« Le reste après la cérémonie, » dit-il, sans regarder l’argent et en affectant de ne pas s’apercevoir de son existence. 
 
 
 
*** 
 
 
 
Les visages de l’assistance ce soir-là étaient passifs et sans expression, mais l’on sentait quelque chose en eux qui attendait d’être enflammé. Sœur Sue, vêtue d’une longue robe sombre, se tenait debout devant eux en vacillant ; ses cheveux noirs flottaient derrière elle et ses yeux sombres brillaient dans son visage blanc. 
 
 
 
Loué soit le Seigneur, 
 
Loué soit le Seigneur, 
 
Gloire au doux Seigneur Jésus ; 
 
Alléluia, Alléluia, Alléluia ! 
 
Inclinez-vous, pécheurs, 
 
Baissez la tête, pleurez de honte, 
 
Lavez vos cœurs avec le Sang de l’Agneau, 
 
Le Sang de notre doux Seigneur Jésus… 
 
 
 
Et les femmes aux yeux tristes, et les hommes maigres et affamés, se frappaient la poitrine et sanglotaient, et baissaient la tête en écoutant la voix du messager de Dieu. Puis Sœur Sue fit signe à Frère Mike que son travail était terminé, que les gens étaient prêts et attendaient. Elle cessa subitement de hurler, les têtes se relevèrent et Frère Michael se tenait debout devant l’assistance, les bras en croix dans un geste d’accueil. 
 
Son visage se contractait de tristesse et sa voix était si douce que toutes les oreilles se tendirent pour entendre ses paroles. 
 
— « Oh ! pécheurs, pécheurs ! Oh ! pécheurs, comme vous avez blessé le doux Seigneur Jésus. Comme vous avez péché contre Lui, enfoncé mille clous dans Sa chair encore pantelante… 
 
» Adultères, hypocrites ! » (Sa voix résonnait maintenant.) « Croyez-vous qu’il ne vous connaît point ? Il sait bien que vous, péchez en secret, dans l’ombre, et derrière les portes closes. Sa vengeance ira jusqu’à vous. En vérité Sa justice devrait vous abattre, ici sur-le-champ, tandis que vous vous croyez chacun caché au sein de la multitude. 
 
» Mais le Seigneur, ah ! le Seigneur est miséricordieux. Il… Il… Entendez ! Entendez. Je L’entends. J’entends le Seigneur ! Il est près, très près. Sentez Ses ailes palpiter au-dessus de vos têtes. Il est ici, je vous dis, ici. » 
 
La foule trembla, frémit, les yeux rivés sur la silhouette debout devant elle. Et subitement Frère Michael hurla et se couvrit le visage de sa robe. 
 
« Oh ! Jésus, mon Maître, parlez-moi ! » 
 
Il était à genoux, effondré devant le Seigneur, et Frère John, suivant une mise en scène bien réglée, se mit à réciter dans les langues bibliques. 
 
— « Pardonnez-moi, oh ! Seigneur, » gémit quelqu’un dans l’assistance. 
 
— « Oh ! Seigneur, » hurla en réponse Frère Michael tandis que tous en extase attendaient. « Oh ! le Seigneur est un grand oiseau blanc et Ses ailes me frappent. » 
 
Et à ce moment, entre le peuple et Frère Michael, se tint un troisième personnage ; l’étranger était là. Mike sentit son sang se glacer. Qu’était-ce, mais qu’était-ce donc (et il fouillait en vain sa cervelle pour trouver la réponse), qu’était-ce qui rendait l’aspect de l’étranger si terriblement familier ? Mais il cessa de penser tandis que la voix de l’autre cinglait l’air : 
 
« SUIVEZ-MOI JUSQUE DANS LA CITADELLE DU SEIGNEUR. SUIVEZ-MOI DANS SON TEMPLE. LE SEIGNEUR A PARLÉ. SUIVEZ-MOI, OH ! PÉCHEURS, JUSQU’AU CŒUR MÊME DU SEIGNEUR MISÉRICORDIEUX. » 
 
Et sa voix n’était comme aucune voix que Mike eût jamais entendue, et son visage comme aucun visage jamais paru sur la terre. Et Frère Michael couvrit son visage et suivit, sanglotant, courant aveuglément avec les autres, tandis que le poids de sa propre culpabilité pesait sur ses épaules. 
 
Car le temple s’élevait, flamboyant dans la pénombre, et des rayons d’amour émanaient de son intérieur brillamment illuminé. Et même à ce moment-là, Mike se souvenait vaguement qu’auparavant il n’y avait rien à cet endroit – rien que des herbes calcinées, dès insectes et des arbres rabougris. 
 
Il trébucha et tomba. Mais des vagues d’exultation le portaient en avant, en direction du but. « Attendez, attendez, » criait-il aux autres, en s’empêtrant dans sa tunique blanche, mais ils continuaient et le dépassèrent. 
 
Mais que faisait-il ? Quoi ? « Arrête, arrête, » criait une voix intérieure, cependant que, trébuchant toujours, son corps continuait sa course éperdue. « Arrête, arrête, » clamait la voix, et ses jambes s’immobilisèrent subitement. « Ressaisis-toi, » hurla-t-il, et il se mordit le bras jusqu’au sang, jusqu’à ce que ses tempes battent. 
 
« Ne tombe pas dans le panneau. C’est un truc, » s’intima-t-il, et il ferma son esprit et ses yeux au temple flamboyant, ainsi que son cœur aux vagues d’amour. Immédiatement, un abîme de solitude s’ouvrit alors dans son cœur, un sentiment d’exil, où il savait que tout ce qu’il demandait à la vie lui serait refusé. Il secoua la tête, sanglotant, sachant tout à coup que ceci n’était qu’une dernière tromperie du charlatan, destinée à le rendre fou, à le précipiter vers le temple. Le temple qui n’en était pas un. 
 
Une sueur glacée perlait sur ses paumes. Résolument il fit le vide dans son esprit et subitement chaque chose reprit son vrai visage. Il vit le peuple dont il avait aidé à détruire la raison. Il le vit qui le dépassait dans sa course folle et il vit, avec une effrayante précision, pour la dernière fois, le visage de l’étranger avant qu’il disparût à l’intérieur. 
 
Et il comprit enfin, en voyant le visage, pourquoi l’homme lui avait semblé si familier. Il comprit pourquoi l’étranger l’avait examiné si attentivement tandis qu’il lui parlait. La personnalité de charlatan était composée dans tous ses détails d’après l’image que se faisait Mike de ce qu’il aurait toujours voulu être. Les cheveux blancs et non pas noirs, les larges pommettes, les jambes droites, l’air d’authenticité faisant corps avec la personne. 
 
— « Dieu, » hurla Mike, pour une fois sincèrement. L’homme – était-ce un homme ? – s’était façonné lui-même d’après l’image qui existait dans son propre cerveau. Pourquoi ? Qu’était-il en réalité ? Mike tourna les yeux vers le temple. Qui n’était pas un temple mais une nef aérienne. Une nef que la terre ne connaîtrait pas avant maintes et maintes années. 
 
Mike se jeta en avant, mais à ce moment il vit Larry qui le dépassait. Il étendit le bras et le saisit. « Lâche-moi, lâche-moi, » hurla Larry. Mike lui envoya un coup de poing à la mâchoire et s’assit, haletant, en le maintenant à terre. 
 
Du coin de l’œil il perçut un nouveau mouvement. Il assomma Larry et le laissa étendu par terre. La nef bougeait ! Les gens ! Où est-ce que ce monstre emmenait les gens ? Il gémit et se mit à courir. Il avait trahi ceux de sa race en les livrant à… un démon venu d’ailleurs… Il était un Judas… 
 
Il s’approcha et à ce moment la nef se mit à tourner sur elle-même. Le souffle l’étendit à terre. 
 
La nuit était silencieuse comme la mort. La lune brillait sur la pyramide de toile agitée par le vent, sur les bouteilles de soda vides, sur les baraquements entassés. Mike alla à Larry et l’aida à se relever. Ils restèrent debout côte à côte, fixant la nuit et le silence. Mike mit la main à la poche de sa tunique. Il sentit les billets supplémentaires, et il sut exactement combien il y en avait. 
 
 
 
(Traduit par Evelyne Georges.)

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Modifié en dernier lieu le 16.05.2024
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